Vous lisez quoi en ce moment ?

Rappel du premier message :

J'ai fini Les pièges de l'exil de Philip Kerr - dernier volet paru de la série du héros Bernie Gunther, que l'on suit cette fois dans ces aventures sur la côte d'Azur
Policier parsemé de détails historiques. J'aime beaucoup. Et c'est assez agréable de se repérer géographiquement dans les lieux décrits.

Les tendres plaintes de Yoko Ogawa - on suit les aventures de Ruriko, jeune femme blessée par l'infidélité de son mari qui se réfugie dans le chalet familial pour y retrouver la paix. Ici pas de clichés, pas de voyeurisme, pas de drama inutile.
Comme toujours dans les romans d'Ogawa on y découvre un univers "original" (Ruriko est calligraphe, et un des personnage qu'elle rencontre est facteur de clavecins). Comme toujours aussi, la nature est très présente, c'est doux et sensuel et calme.
Je suis fan

J'ai lu ce bouquin, dont j'avais lu pas mal d'extraits et dont je vous avais déjà parlé.

Le constat est connu: la Justice est un des mninistères les plus faibles et les plus mal dotés de tous, avec à peine 8 milliards de budget, dont la moitié est consacrée à l'administration pénitentiaire.
Le résultat est peu connu et peu médiatisé: des délais interminables devant les juridictions (jusqu'à plus de 30 mois pour des conflits du travail, dont la durée est pourtant réglementée par le Code du travail), des conditions de travail épuisantes pour les professionnels du droit, des prisons surpeuplées (188% de taux d'occupation à Fresnes) ainsi que les maisons d'arrêt (je précise à ce stade que les maisons d'arrêt recueillent des gens qui n'ont pas été jugés et sont donc présumés innocents).

Quelques rares juridictions s'en sortent: c'est notamment le cas de la Cour de Cassation, et du parquet national financier.

Les pistes de réforme sont connues: augmenter le budget (jusqu'à au moins 11 milliards d'euros), améliorer la gouvernance du ministère, et que les gens prennent enfin conscience qu'on ne peut pas vivre dans un Etat de droit sans fonctions régaliennes solidement assurées (à rebours des considérations actuelles qui portent uniquement sur les missions sociales de l'Etat, qui ne sont pourtant pas ses missions de base).

En complément, il y a également la question de l'idéologie du "tout-prison". De nombreux acteurs de la justice disent que cela ne fonctionne pas (voire c'est un creuset de la radicalisation religieuse dans certains cas). Les conditions de détention sont déplorables, la France est régulièrement condamnée à ce sujet par la CEDH. 

Pour autant, il n'est pas nécessairement question de ne plus prononcer de peines. L'autre jour je lisais un thread d'un magistrat (juge d'application des peines) à ce sujet. Il évoquait des fermes de réinsertion pour des détenus en fin de peine ou condamnés à des peines courtes, et ne présentant pas de dangerosité. Il y aurait quelques centres, où les détenus travaillent le matin, et apprennent un métier l'après-midi, pour un coût journalier bien plus modeste qu'un coût en détention. C'était hyper intéressant. Ce n'est pas la solution à tout, mais visiblement ce serait une piste supplémentaire.

Il faudrait en réalité voir ce qui conviendrait le plus eu égard aux nécessités de réinsertion et aux nécessités de sécurité publique (rien que le critère de dangerosité, honnêtement c'est pas simple), mais je déplore qu'on envisage souvent cela sous l'ordre du coût. En réalité, il nous faudrait a minima 15 000 places de prison supplémentaires, et plus de la moitié des prisons ont été construites avant 1920, donc il y a d'importants coûts de rénovation. Je pense que cela devrait être une priorité du quinquennat, ainsi que le recrutement de magistrats et de greffiers pour faire tourner les juridictions (30 mois de délai pour un JAF ou un CPH c'est totalement anormal). Mais bon c'est sûr que c'est pas populaire...
L'encellulement individuel est un principe posé depuis 1875...et nous sommes en 2019.
Mais je suis intéressée par le thread si tu l'as!

PS: je rajoute à mon post initial qu'il est inexact de dire que la Justice manque de moyens, ou plutôt il faudrait préciser que c'est au sens littéral. Ce n'est pas qu'elle pourrait faire mieux si on lui en donnait plus: c'est qu'elle ne peut plus faire tout court. Ainsi une grande partie des tribunaux sont de fait en quasi-cessation de paiement entre mai et septembre, et ne peuvent plus financer leurs frais de fonctionnement courants (enfin, en réalité ils le font, mais à coups d'expédients). De ce point de vue là aussi, c'est un ministère vraiment à part.

Je parlais du coût plutôt comme une cherry on the cake, d'un dispositif utile avec de bons résultats en termes de réinsertion (en même temps, je pense que ce ne sont pas les détenus ayant commis les crims/ délits plus grave) et il se trouve qu'en plus, ça coûte moins cher qu'une place en prison.

Mais oui, il faudrait aussi un plan prisons car les conditions d'incarcération sont particulièrement indignes. Et les derniers centres pénitentiaires construits en partenariat public privé sont pour certains déjà vétustes (quant au coût moyen par place de ces centres construits par Vinci, Bouygues et consorts, il est 50% plus élevé que ceux construits par la puissance publique). 

Et je te rejoins totalement sur les conditions particulièrement indignes d'accès à la justice et de fonctionnement. D'autant plus que cela permet un déni de justice dans certains cas. Quand tu n'as pas les moyens financiers d'attendre de tels délais, tu renonces à tes démarches (c'est souvent le cas dans les litiges relatifs au logement). Quant à la justice des mineurs, c'est une catastrophe. Quand tu vois déjà les délais pour l'accès à un juge pour enfants et les délais d'exécution d'une décision de placement d'un mineur, c'est terrible.

Je suis absolument d'accord sur ton dernier paragraphe, et c'est précisément ce qui m'indigne. Les gens qui deviennent fous en prison, aussi, c'est épouvantable.

Ces derniers temps j'ai lu

Eleanor Oliphant va très bien, de Gail Honeyman. 

Livre choisi assez vite à la librairie avant mon départ en vacances, un peu parce que recommandé par les libraires, et aussi, forcément, parce que le prénom de l'héroïne me parlait.

Eleanor Oliphant est une femme qui, à l'approche de la trentaine, mène sa barque seule et a fait décidé de devenir une île à elle toute seule, hormis ses coups de fils hebdomadaires à maman. Peu soucieuse des conventions sociales, elle dit les choses comme elle le pense et ne s’embarrasse guère de ce que les autres penseront d'elle. Or, à la suite d'un événement imprévu, un coup de foudre pour un chanteur de rock, elle va décider de s'ouvrir au monde et d'affronter son passé.

C'est un très chouette livre que j'ai lu en 24h00. J'attendais une lecture légère, et en fait, pas tant que cela. J'ai ri, j'ai aussi pleuré. L'autrice sait vraiment nous emmener dans la tête de l'héroïne, et sans jugement, nous faire comprendre ce que vit "l'originale" du service de compta d'une entreprise de communication. L'intrigue est assez prenante, c'est un bon page-turner de vacances.

Et en ce moment je finis le tome 4 de l'Amie prodigieuse, L'Enfant perdue, commencé la semaine dernière. Un bon page-turner également, même si j'ai plus de mal avec les tournures indirectes et une formulation assez lourde sur les dialogues, ainsi que beaucoup de tartines sur les ressentis de l'héroïne (qui est de moins en moins attachante à force de s'épancher sans filtres à longueurs de pages). Bon, je dois avouer que le passage où j'en suis m'a glacée le sang.

j ai apprécié. vraiment

En ce moment, je lis Mélodie de Vienne, d'Ernst Lothar


Ne vous laissez pas prendre par le titre un peu niais ou le bandeau un peu racoleur, c'est un très beau roman, très émouvant. Ecrit en 1944 par un Autrichien contraint de s'exiler en raison des origines juives de sa famille, il a d'abord été publié en anglais. Le livre est une fresque sur l'apogée et la fin de l'empire austro-hongrois et la fin de Vienne comme ville impériale, qui suit une famille prospère de facteurs de pianos.

Un roman étonamment moderne quand on considère sa date d'écriture, et très prenant.

C'est marrant, je l'avais lu et chroniqué ici!

ah mince, je n'en avais pas le souvenir Nina, désolée pour le doublon ! Mais oui j'ai pensé à toi en le lisant en plus, c'est tellement toi ! (Vienne, la langue allemande, la musique...)

A propos d'Allemagne et de musique, mon livre en cours, en cette année Beethoven:



Jean-Christophe inaugure, comme nous l'avons déjà dit, le genre du roman-fleuve, ce roman "total" auquel Romain Rolland aspirait depuis des années. C'est un monument élevé à la «divine musique», par le récit d'une expérience humaine poursuivie depuis la naissance jusqu'à la mort. Dix volumes (l'Aube, le Matin, l'Adolescent, la Révolte, la Foire sur la place, Antoinette, Dans la maison, les Amies, le Buisson ardent, la Nouvelle Journée) composent cette description de la vie d'un homme de génie, véritable Beethoven dans le monde d'aujourd'hui. C'est "un héros aux yeux cl au cœur purs" que Romain Rolland a crée dans son roman. Jean-Christophe Krafft est né dans une petite ville au bord du Rhin, dans une famille modeste. Son grand-père et son père étaient des musiciens, sa mère une modeste servante. L'enfant fait preuve d'une sensibilité extraordinaire, d'un véritable tempérament d'artiste. Nature mystique, il connaîtra plus lard l'extase. Selon les propres paroles de Beethoven «La musique esi la médiatrice entre la vie des sens et la vie de l'esprit.», et, dès son âge le plus tendre. Romain Rolland a éprouvé lui-même cette fascination de la musique, la fascination de "la forêt des sons" qu'il a inculquée à son héros.



Son héros connaîtra beaucoup de difficultés dans la vie. sera obligé de s'exiler en France à la suite d'une rixe . mais partout la "joie divine" de créer l'accompagnera. En France il se liera d'amitié avec Olivier Jeannin qui deviendra pour lui un véritable frère. L'Allemand et le Français, le musicien et le professeur, incarnent, dans la vision de leur créateur, l'unique âme des deux peuples, des deux cultures et des deux civilisations, qui, quelques années plus tard, s'égorgeront mutuellement sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. C'est Olivier qui révélera à l'Allemand Christophe le vrai visage de la France, cette France du travail et de la souffrance, cette élite qui transmettra aux générations suivantes l'idéal de la liberté et de la recherche, du courage et du dévouement, la France du peuple et non pas celle de la caste corrompue des politiciens et des viveurs.

(pour information: l'oeuvre de Romain Rolland est libre de droits depuis 2019).

Je savais pas trop où débriefer ça mais je vous conseille ce livre:


débriefé en détail ici
C'est du développement perso sans être du développement perso. C'est pas "vis ta meilleure vie" mais du bon sens.

Le livre commence par la phrase "Don't try", qui était l'épitaphe de Bukowski, alcoolique notoire. Il n'est pas spécialement recommandé de picoler, mais juste d'arrêter de se vouloir meilleur ou je sais pas quoi, et de s'accepter comme on est. Et d'arrêter aussi de toujours se trouver un truc qui cloche. J'ai bien aimé la phrase: L’aspiration à vivre des expériences plus positives est en soi une expérience négative. Et paradoxalement, consentir à vivre les expériences négatives qui se présentent ou s’imposent à nous constitue, en soi, une expérience positive.
Beaucoup de trucs aussi sur le fait de choisir ses combats, de ne pas se fier aveuglément à ses émotions, et de résoudre ses problèmes au lieu de les éviter.
Très vrai aussi le passage sur le fait de se la péter sans raison et sur la soi-disant confiance en soi: Ainsi, pour Mark Manson, les méthodes de développement personnel tant vantées, qui tendent à persuader les gens qu’ils sont exceptionnels et à leur apprendre comment avoir une bonne image d’eux-mêmes sans raison valable, n’engendrent pas une population de Bill Gates ou de Martin Luther King, mais au contraire de gens qui se la pètent sans raison.
Selon Mark Manson, c’est dans la perception, l’évaluation de ses expériences négatives, de ses failles, que l’on mesure l’estime de soi.
Se méfier aussi des fausses valeurs: le plaisir, la réussite matérielle, la popularité, pour se recentrer sur les vraies valeurs qui sont, je cite "basées sur la réalité, socialement constructives, immédiates et contrôlables."
Cinq axes sont aussi désignés par Manson:

La responsabilité radicale : prendre la responsabilité de tout ce qui nous arrive dans la vie, sans nous occuper de désigner un coupable.
L’incertitude : reconnaître notre propre ignorance et cultiver le doute permanent quant à nos propres croyances.
L’échec : être disposé à prendre connaissance de nos défauts, de nos erreurs, pour y remédier.
Le rejet : la capacité à dire et à entendre “non” pour définir clairement ce qu’on accepte et n’accepte pas dans ta vie.
La contemplation de notre condition de mortel : considérer sérieusement notre propre mort est ce qui nous aidera à relativiser toutes les autres valeurs.

Beaucoup de choses aussi sur le doute nécessaire, sur le fait d'arrêter de penser qu'on est unique et extraordinaire...

En bref, beaucoup de bon sens (mais je pense pas que Manson ait envisagé de réinventer le fil à couper la margarine), mais perso, ce livre m'a beaucoup aidée à un moment de ma vie où je me sentais pas bien du tout.

Intéressant Nina, je retiens !
C'est vrai que cette idée que nous sommes tous exceptionnels... Oui mais non. Nous sommes tous singuliers, certes, mais c'est autre chose.

Tout à fait! Et je me suis aperçue à quel point ça avait été nocif cette idée dans ma vingtaine (que ce soit dans le sens "je suis absolument génial", ou "je suis absolument trop nul"). Et je repense avec consternation à mes faux amis de cette époque qui étaient des gens nocifs à essayer de me pousser à me dire qu'on est les meilleurs haha, et les autres trop nuls, alors qu'on était juste des simili-ados qui se cherchaient une vie.
Dans ce livre, Manson dit justement qu'aucun problème qui nous arrive n'est exceptionnel, et que bcp de gens l'ont eu avant nous. Et c'est vrai!

Merci Nina pour ce compte-rendu de lecture ! Je fais énormément ke tri dans les RS sur les comptes que je suis aussi, car je n'en peux plus de cette idée de "devenir la meilleure version de nous-mêmes" et autres foutaises 2.0. Comme si être nous-mêmes n'était déjà pas une activité épuisante en soi.

J'ajoute que ces gens qui se croient exceptionnels grâce au développement personnel sont souvent très nombrilistes, et c'edst pas l'égocentrisme qui fait avancer les causes

C'est pathologique ces méthodes poussées à l'extrême et d'ailleurs dans le livre Manson parle de ça à un moment: il a été harcelé par une nana qui est sûre que c'est l'homme de sa vie. Et il dit justement "cette nana est une droguée du développement personnel, et elle applique à la lettre, sauf qu'elle en vient à se prendre pour Jésus qui va guérir Lazare". Et il conclut justement qu'il faut arrêter les conneries, et se méfier des certitudes absolues.
On en revient au bon sens de dire qu'on fait ce qu'on peut, qu'il faut s'appuyer sur des vraies valeurs et gagner un peu en humilité.
Et last but not least, comme tu le dis, ça permet aussi de dégager les nocifs: moi je l'ai fait IRL, mais sur les RS, y'en a aussi.

Je pose ça là:


Si vous voulez entendre parler de Wuhan autrement que par des clichés de semi-sauvages mangeant du pangolin (je suis fatiguée des clichés sur les Chinois), je vous recommande ce livre.
C'est l'histoire d'une vendeuse de cous de canard (non, pas farcis au foie gras, ça c'est dans le Sud-Ouest )  sur la plus grande artère de Wuhan, la rue Jinqing. Sacrée personnalité de jeune femme abandonnée par son père à seize ans, et chargée de famille, qui a commencé à ouvrir son petit commerce aux débuts de l'ère d'ouverture décrétée par Deng Xiaoping. Le roman (court) parle de sa lutte pour survivre, pour mener sa barque dans une Chine en changement perpétuel.
Et la figure de l'héroïne est très attachante: malgré la distance culturelle, on retrouve les figures populaires dém*rde dépeintes par Dickens (par ex dans Oliver Twist) ou par Hugo (les Misérables).
Et ça se lit très bien!
Fun fact: le livre a été très populaire en Chine, et ça a lancé un tourisme culinaire sur les cous de canard à Wuhan!

Dans la même veine descriptive, je vous recommande chaleureusement les romans de Yu Hua, ou les films de Jia Zhangke (dont la femme, Zhao Tao est sans conteste pour moi une des plus grandes actrices contemporaines). Pour toucher du doigt un peuple chinois beaucoup plus proche de nous qu'on peut le penser au premier abord.

Ces derniers temps, j'ai lu :


Les Bourgeois, d'Alice Ferney. Une écriture fluide, qui se lit rapidement, j'ai beaucoup aimé ce roman choral dépeignant une certaine bourgeoisie catholique française aux prises avec les tourments du XXème siècle.



Le Gang de la Tamise de Jessica Fellowes : bof... J'ai été alléchée par le "les soeurs Mitford enquêtent" (les soeurs Mitford, purs produits de la gentry anglaise, ont réellement existé, avec des destins extraordinaires). J'ai trouvé l'intrigue poussive et le passage d'un personnage à l'autre assez mal ficelé. Bref, je n'ai pas été emballée



Et là je viens de commencer "Là où rêvent les étoiles". Le titre est bateau, l'oeuvre est assez érudite mais avec des procédés feuilletonesques un peu grossiers. Néanmoins, ça se parcourt très bien, et l'intrigue comme le lieux (Grenade au 19ème siècle) sont originaux.

Je réagis par rapport au livre de Manson, déjà j'en adore le titre et effectivement, cela doit être une bonne libération !

Nous pouvons en fait assez facilement, sinon créer nos problèmes, du moins largement contribuer à nos propres soucis. Un changement de posture et d'état d'esprit (donc un travail personnel sur soi) ça peut changer les choses.

+100000
je trouve d'ailleurs que c'est plus facile de l'observer chez les autres que pour soi ; après j'arrive à mieux identifier quand j'entretiens mon malheur et j'arrive à mieux relativiser (mais c'est pas encore ça )