Pour vous, qu'est ce que le féminisme?

je pense que nous en avons tous une définition qui nous est propre
quelle est la vôtre?
quelle en est votre conception?
que pensez-vous de l'égalité des sexe? ou de l'inégalité?
quels sont vos modèles de machisme? de féminisme (en positif et négatif)

Pour moi le féminisme ça a longtemps été une personne avant d'être une idée: Andrea Dworkin. J'ai longtemps beaucoup admiré cette femme, battue, réduite au trottoir, puis auteur d'un certain nombre d'ouvrages assez révolutionnaires sur la conception de la femme et de la sexualité féminine. Peu de ses ouvrages ont été traduits en français: on ne trouve je crois qu'un recueil de quelques conférences qu'elle avait prononcés sous le titre Pouvoir et violence sexiste. On la dépeint assez souvent comme une féministe radicale, ce qu'elle était, sans aucun doute, mais j'ai rarement trouvé chez une féministe une telle cohérence, un telle structure de pensée, et une telle conviction (confinant parfois à la violence, je vous l'accorde). Dans le même ordre d'idées, j'ai aussi une grande admiration pour Catharine Mac Kinnon, qui a d'ailleurs été une très fidèle amie d'Andrea Dworkin, avocate. Elle est principalement connue pour son travail sur le harcèlement sexuel, qui a été reprise par la Cour Suprême américaine (il est vrai aussi que sa vision maximaliste du harcèlement sexuel a été très critiquée)
Pour le reste, ma conception du féminisme: cela fait partie des sujets qui en général, ont tendance à me mettre en rage. Je suis un peu plus extrémiste je suppose que beaucoup de féministes françaises, et sur certains sujets j'aurais même tendance à aller très loin: notamment en ce qui concerne la pornographie. La glorification actuelle de la maternité me met en rage. En ce qui concerne l'égalité des sexes, on en est globalement très loin. Sur ce point, je pense que l'influence européenne sera décisive (je pense à l'affaire Tanja Kreil, portée devant la CJCE, parce que la Bundeswehr voulait interdire l'accès des femmes à l'armée) Mais je pense aussi que l'inégalité entre hommes et femmes procède avant tout d'une inégalité économique: domaines d'études supérieures moins lucratifs, métiers moins contraignants, salaires moins hauts pour un même métier entre hommes et femmes, gosses à charge, etc... Il est difficile de légiférer davantage là-dessus qu'on ne l'a fait déjà: je pense sincèrement après qu'il s'agit de choix individuel (en ce qui concerne par exemple à mettre sa carrière entre parenthèses, ou ce genre de choses). Mais s'agit-il réellement d'un choix libre? Comme toujours, il est plus facile pour une femme de milieu aisé, avec un très haut niveau d'études, de faire un choix conscient et éclairé que pour une femme d'un milieu plus défavorisé, sans qualifications réelles: on en revient toujours à l'inégalité économique et sociale...

Pour moi, le féminisme, c'est ne pas se résigner devant un état de fait.
Quand je passais les concours de sup de co, je me suis retrouvée dans une école qui avait fait un grand panneau mural où étaient gravés les noms des parrains de chaque promotion, en majorité des grands patrons.
Pas une femme.
Pas une seule sur 80 noms.
Je me suis demandé pourquoi, et de là vient ma conviction féministe.
Il m'apparaît fondamental que chaque femme soit l'égale de l'homme, qu'elle soit libre et indépendante. Qu'elle puisse choisir sa vie, et la re-choisir à nouveau si elle le souhaite.
Cela m'amène à être aussi très sceptique face à la glorification de la maternité à tout prix au vu des conséquences concrètes sur la vie des femmes (congés parentaux "forcés", temps partiels subis voire retour au foyer, etc)
Tout comme Nina, je serais sans pitié envers la pornographie "à sens unique" mais aussi envers les représentations des genres dans les jeux et ouvrages destinés aux enfants. Car c'est là que tout se joue. Une petite fille à qui on a appris à se soumettre, à être une parfaite ménagère, va le rester à l'âge adulte et transmettre la même vision des choses à ses enfants.
Au niveau des écoles, je me rattache au féminisme universaliste (l'un est l'autre, pour reprendre la formule de Badinter) et non au courant essentialiste (la femme est différente).
Mais au vu des commentaires débiles que je lis sous chaque article de presse sur le féminisme, je me dis que le chemin va être long, long...

Arthénice a très bien exprimé ma pensée.
J'ajouterai que pour moi, être féministe, c'est aussi se respecter en tant que femme en imposant des limites aux autres et en ne se cachant pas derrière une situation ("je suis une femme donc je vais forcément en baver pour être crédible", "je suis une femme, donc je dois avoir envie d'enfanter et mettre ma carrière entre parenthèses", "je suis une femme donc je dois accepter d'être sifflée dans la rue" etc).

Par contre, ce qui me désole c'est que le féminisme soit assez souvent mal perçu. Comme des femmes enragées et sur les dents.

Eh oui, ce n'est pas bien perçu. Parfois même par les femmes elles-mêmes, qui disent : je ne suis pas féministe mais... comme si c'était honteux de se considérer l'égale des hommes et partant, d'essayer d'atteindre une égalité concrète.
Je ne parle pas des réactions basiques voire haineuses de certains hommes. Ca me scie à chaque fois... et ça me rappelle que la bêtise humaine est vaste, vivace et organisée.
Pourtant, il reste beaucoup de combats féministes à mener. L'égalité théorique est plus ou moins acquise, mais l'égalité concrète, elle, ne suit pas du tout.
J'avais vu un documentaire intéressant (Bienvenue dans la vraie vie des femmes si je me souviens bien du titre) qui disait que c'était ça le problème : les femmes pensent que tout est acquis et du coup, ne revendiquent plus. Elles se rendent seulement compte après du décalage entre la théorie et la réalité.

Surtout j'ai l'impression que les féministes sont jugées comme des harpies, des viragos virulentes et haineuses et que surtout le combat est mené par pure haine des hommes. Ca me désole.

tout à fait
je me sens féministe dans la mesure où pour moi être une femme n'est pas un handicap ni une gloire
je ne me sens ni supérieure ni inférieure ni égale aux hommes, juste complémentaire (et inversement)
j'ai déjà bossé dans des pays ultra machos et j'avais deux locaux en assistants, mais ça c'est très bien passé

par contre, je déplore que mes parents ont plus donné de chance à mes frères quant à l'éducation alors que moi je bossais et eux glandaient et plein de petiteschoses comme ça
je suis pour un partage intelligent des tâches à la maison ou au boulot et contre le fait de me planquer ou de revendiquer le fait d'être une femme
par contre, je me "contente" de le vivre et non de "militer" par la parole/manifs ou autres

Colombine a écrit:

Surtout j'ai l'impression que les féministes sont jugées comme des harpies, des viragos virulentes et haineuses et que surtout le combat est mené par pure haine des hommes. Ca me désole.

C'est vrai, ca m'énerve aussi...
Je suis totalement d'accord avec ce que vous avez toutes dites. En plus, je pense, qu'il y a aussi de femmes qui "auto-torpèdent" le féminisme dans une certaine manière. Par exemple, j'ai des amies qui te diraient que bien sûr elles sont féministes, mais dans leur relation c'est elles qui repassent les chemises de ses copains, ou qui coudent un bouton, etc, de leur propre volonté. Ce sont ces petites gestes qui sont aussi importants je crois, et vraiment je ne comprends pas pourquoi pour elles c'est clair que systématiquement les femmes doivent faire ce genre de choses pour les hommes.
En fait, je pense qu'il y a beaucoup de féministes "en théorie" mai qui agissent différamment en pratique... par exemple ma mère, qui est resté au foyer pour 18 ans, et je sais qu'elle ne l'aimait pas trop, mais elle ne l'a pas changé.

c'est pas moi que tu coinceras en train de repasser "ses" chemises...

Vous avez dit en gande partie ce que je pense moi même du féminisme (et certainement mieux que je ne l'aurais fait)
je peux juste apporter ma touche personnelle en disant que pour moi le féminisme c'est se sentir le mieux possible dans sa peau de femme quelque soit le choix que l'ont fait
Le choix de rester au foyer tout en sachant qsue l'on ne sera pas pénalisée plus tard a cause de celà
le choix de travailler en ayant les mêmes droits salariaux que les hommes
le choix de faire ou de ne pas faire certains travaux ménagers
Savoir que l'on aura une épaule masculine sur laquelle s'appuyer , et non pas s'appuyer totalement sur cette épaule
Le choix d'avoir des enfants , de pouvoir s'en occuper , et de savoir que l'on peut compter sur sa moitié pour s'en occuper aussi
Et le choix de ne pas avoir d'enfants
bref avoir DES choix et avoir tous les moyens pour celà
Mon modèle il y en a plein de connues
mais je préfèrerais citer une grand tante (Marie Louise Mas ) qui a milité pour le droit de vote des femmes il y a très longtemps de celà...;)

(Juste une toute petite parenthèse pour les chemises :
on peut faire le choix de les repasser , ou de coudre un bouton
mais il faut que l'on sache que si on a pas envie , le temps , la santé pour le faire .Son compagnon le fera a notre place (mon mari coud même ses ourlets parfois , avec la machine a coudre , plus nulle que moi en couture )
Tiens ça me fais penser que j'ai un ourlet a faire à MON pantalon >>>

C'est pas moi que vous coincerez en train de repasser... Je repasse quasi rien...

tout pareil
j'ai trop vu maman le faire, ça m'a traumatisée

J'aime bien repasser (bizarre je sais) mais normalement je ne le fais pas pour mon copain, je ne vois pas pourquoi... Parfois il essaie de me convaincre en me disant qu'il ne le peut pas très bien, mais alors il faut pratiquer pour s'améliorer

tout à fait!!

Andréa, sur le principe, je suis d'accord avec toi...
Mais je pense que certains choix aujourd'hui sont plus pénalisants et plus dangereux pour les femmes que d'autres... Une femme a certes le droit en soi de rester à la maison, mais en pratique, cela a pu mener à des désastres. Qaund je vois le nombre de divorces aujourd'hui, les vies professionnelles chaotiques, je me dis que c'est un choix dangereux. Quand je vois l'inégalité sociale et économique entre hommes et femmes, je me dis que ça peut même être un choix pénalisant pour elles. Je sais que quand des couples se respectent, il n'y aura pas de problèmes. Mais sans faire dans le pathos, il y a un tel déclin de la solidarité aujourd'hui et une telle défiance de l'engagement que je ne conseillerais à aucune femme (ou homme d'ailleurs) de se lancer dans une aventure pareille...
Je ne suis pas une carriériste à tous crins, même si je pense que l'activité professionnelle est importante, et je suis bien placée pour savoir que ne pas avoir de vie perso pour son travail ça peut être dangereux pour la santé mentale. MAIS aujourd'hui en 2010, je trouve fondamental pour une femme d'être indépendante sur tous les plans, parce qu'on ne sait pas ce que réserve l'avenir, et qu'il y a suffisamment de causes de précarité aujourd'hui sans s'en rajouter.

Pour le repassage, ça dépend comment c'est fait: perso, c'est mon copain qui repasse mes robes quand je suis chez lui, et je ne crois pas le tenir en esclavage!

je sais que tu as tout a fait raison Nina !
Et j'encourage vivement toutes les jeunes filles (la copine de mon fils la première , je la booste en ce moment)
a avoir une carrière pour toutes ces raisons là :

* Les mariages ne durent pas comme auparavant (malheureusement)
* un métier c'est tout de même valorisant et agréable si on aime celui que l'on fait
*un seul salaire ne suffit pas toujours

Tout celà je le sais ...

Mais je regrette justement certaines femmes se trouvent dans des situations précaires ou dangeureuses , parce qu'elles ont fait ce choix il y a quelques années , et quelles ne se doutaient pas ..

je trouverais normal que ces femmes qui ont fais ces choix ,
puissent être convenablement aidées ..
Puissent prétendre a une pension suffisante ..
Je sais que c'est utopique
mais pour moi ça fait partie du féminisme de défendre ces femmes là
et de les aider a refaire surfaçe quand pour une raison ou une autre elles se retrouvent seules
Et comme tu dis , dans la précarité
pour moi c'est totalement injuste ,et ça me révolte ..
Tout comme je ne supporte pas que des jeunes ados mineurs ,ou pas se retrouvent dans la rue en 2010 (mais ça c'est un autre sujet)

((pour le repassage , je préfère le faire , parce que mon mari n'est vraiment pas doué;) ))

Je suis plus ou moins d'accord avec ce qui a été dit mais je voudrais rajouter quelques trucs ...

quelle est la vôtre?
Je me sens féministe mais comme l'a souligné Colombine, j'en ai marre qu'on considère les féministes comme des harpies ; je ne vois pas en quoi cela serait "mal" que de vouloir être à l'égalité des hommes. Je ne suis ni fière ni contente d'être une femme dans le sens où je ne l'ai pas choisi par contre je peux porter cette "différence" en étendard devant la connerie humaine. Dans le sens où quand j'entends en 2010 des mecs proférer des opinions à l'emporte pièce sur la femme, son rôle ...
Je trouve cela dommage qu'une femme doive faire des choix (dans sa vie pro, perso ... ), doive bosser 10, 100 fois plus pour égaler les hommes !

Je regrette juste cet inconscient collectif qui essaye de "montrer" qu'il y a des tâches masculines et d'autres féminines ou bien comme les jouets donnés aux petits garçons ou petites filles ... j'ai une amie qui refuse de faire à manger car elle a trop entendu ses parents lui dire "viens apprendre à cuisiner pour servir ton mari" ... même ma mère qui avec toute la volonté du monde, a essayé de ne pas reproduire le schéma familial, je me dis qu'inconsciemment, il y a des choses à la maison qu'elle a exigé de moi mais pas de mes frères , genre je suis une fille je suis plus docile !

Tout à fait d'accord sur la situation désolante de celles qui ont fait ce choix: mais en général, les magistrats (profession largement féminisée et donc sensible à ces situations) essaient de les aider au maximum... à supposer qu'il y ait contentieux, ce qui n'est pas toujours le cas. C'est justement parce qu'il y a suffisamment d'exemples de femmes délaissées, dans la précarité (sans en rajouter dans le pathos) que j'enrage quand des magazines féminins ou des jeunes femmes de milieu aisé disent "mais ça peut être un choix tout à fait bénéfique". Parce que ce n'est pas toujours un choix, mais une contrainte (ça coûte moins cher d'élever ses enfants que de payer une nounou), et aussi parce que je crois que parfois certaines ne se rendent pas compte...
Au-delà de ça, je comprends ta prise de position, même si moi, je préfère agir pour l'avenir: mettre en garde, informer... et éviter que ça devienne une alternative au monde du travail...(comme je juge nécessaire que les gens sachent à quoi ils s'engagent réellement quand ils se pacsent, ou ont des enfants sans être mariés: et qu'au-delà du caractère "rétrograde" du mariage, bah celui-ci offre une protection légale très forte, mais c'est encore un autre sujet mais pas si lointain...)
Malou: d'accord avec toi sur l'éducation. Ma mère était un peu une superwoman des années 80, qui travaillait tous les jours dans une grande banque, qui fumait un paquet par jour, et dont Picard était l'ami, qui repassait pour toute la maison en regardant Bernard Pivot, qui s'accomodait de la poussière parce qu'elle préférait bouquiner sur le canapé...Du coup, j'ai un peu cet "héritage"-là (même si le partage des tâches était inexistant à la maison ): je suis devenue très (trop?) féministe, parce qu'on m'a élevée un peu comme ça (il faut travailler beaucoup, avoir une carrière de fou, et faire le moins de ménage possible )

Malou, maman a fait ça aussi et comme déjà petite je n'aimais pas ce qui ne me semblait pas juste, j'ai pris le contrepied
les filles ça doit faire ceci ou cela
c'est probablement pour ça que je ne suis pas uen vraie ménagère